" Raconte-moi tout, j'veux tout savoir.
- Bah, y a eu ce commentaire sur mon blog, une vague histoire de Disney, et... "
T'y vas un peu les mains dans les poches, tu sais pas trop comment, ni pourquoi. Ton téléphone vibre toutes les 5 minutes, pour te rappeler pourquoi t'es là : parce que tu veux savoir " si c'est comme ça aussi, en vrai ".
Le temps s'enfuit, défile à toute vitesse au fur et à mesure que l'espace qui sépare ses messages diminue lui aussi. Tu commences à douter, à flipper : " et si ? "
C'est un peu comme si tu pouvais lui faire peur.
Dernier message, rendez-vous sur un pont. Tu la vois finalement arriver, le sourire aux lèvres. Tu veux pas lui montrer que toi, t'as peur, alors tu te caches derrière la première chose que tu trouves : tes mains sont trop petites, alors tu te contentes du poteau qui trainait là.
La pluie qui commence à tomber, emportant une à une les dernières questions qui t'assaillaient encore. Tu la vois, tu la regardes... Tu lui mets ton chapeau sur la tête pour ne pas qu'Elle soit trempée. Tu t'en voudrais, et t'as franchement pas la tête à ça. Puis c'est ton chapeau aussi, la voir le porter, c'est un peu...
C'est un peu comme si tu lui disais que tu comptais pas l'oublier.
Tu lui présentes ton plus vieil ami, celui qui t'a entendu te plaindre quand t'as su baragouiner pour la première fois ce que tes parents ont osé appeler un mot. Tu lui en confies la garde, ta façon à toi de lui montrer que tu tiens à Elle.
La pluie se calme, et même si ça sert à rien, tu tiens quand même à tenir son parapluie au-dessus de sa tête : ça te donne une raison de rester près d'Elle. On finit par s'arrêter à un salon de thé, son salon de thé à Elle, celui dont Elle te parlait parfois. Tu l'écoutes, tu l'écoutes et tu rêves, ça te transporte ailleurs, dans ton monde à toi.
C'est un peu comme si tu voulais pas que ça s'arrête.
La journée continue, t'emmène un peu plus loin, à sa fac'. On se chamaille, on rit, on se boude. Premier câlin, et tu le sens, le sais déjà : tu ne vas plus pouvoir t'en passer.
Le mauvais temps quant à lui te ramène à ton point de départ, sous un abri de bus. Le temps passe, tu l'entends te murmurer à l'oreille qu'il ne veut pas te laisser profiter, et tu l'envoies juste chier. Tu la serres contre toi, laisses glisser ta main dans ses cheveux.
C'est un peu comme si tu lui avouais que tu tenais à Elle.
Ton corps te rappelle à l'ordre, te ramène à la réalité. Lui t'envoie dans un restaurant japonais, celui devant lequel tu aurais fermé les portes pour lui montrer physiquement ce que tu ressentais déjà la veille, si cela avait été le lendemain.
Tu lui parles toujours un peu plus, puis l'écoutes à ton tour. Sa vie à Elle, tu en apprends chaque détail comme s'ils avaient été aussi précieux que chacun de ses sourires. Tu joues avec tes baguettes, te débats avec quelques grains de riz. Il est alors temps de s'en aller, tu aurais au moins voulu lui tendre un des sushis avec tes baguettes : ton premier regret.
C'est un peu comme si tu lui aurais dit que tu voulais partager un peu plus que ça.
Vos jambes vous emmènent on ne sait trop où. Il fait nuit, on redevient soit-même : on voudrait déjà crier à la Terre entière combien Elle est importante. Se racontent quelques souvenirs, puis les premières confidences. Il fait froid, tu te rapproches d'Elle, Elle te réchauffe.
Plus tard le vent vous emmène dans un jardin d'enfants. Tu relâches un peu la pression, renvoie ton cœur à sa place sur un tourniquet. Les minutes passent sur la balançoire, vous chantez un peu, vous vous bousculez, tu veux pas finir trempé : franchement pas. Tu capitules, la prends dans tes bras, en signe de bonne volonté.
C'est un peu comme si tu lui avouais qu'Elle comptait vraiment.
Les secondes s'accèlèrent, tu aurais aimé que les chaussettes les aient décidées un peu plus longues, quand même. Ton cœur à toi s'emballe, tu sais que si c'est pas maintenant, ça sera jamais, et que tu pourrais jamais foutre ça en l'air.
Tu la serres un peu plus fort et finis par te taire. Tu poses ta tête sur la sienne, essayes de te rappeler les paroles de la dernière chanson que tu as entendue, sur le pont, mais t'as la mémoire de Boris, le poisson rouge.
C'est un peu comme si tu ne contrôlais plus rien.
Puis tu desserres un peu ton étreinte, rapproche ton visage du sien. Tu le sais maintenant, tu en es sûr, plus que tout au monde : tu l'aimes à en crever. Pire encore, tu tuerais pour ne plus jamais la lâcher...
Ton visage se rapproche du sien, un dernier regard, un dernier sourire.
Le silence.
( Premier baiser. )